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Clermont-Ferrand 2017 : TOP 5 #1

samedi 18 février 2017, par Lucile Bourliaud

DeKalb Elementary

On comprend qu’il ait gagné le grand prix de la compétition internationale, tant ce film puissant et inattendu reste en mémoire après la projection.
Un plan fixe sur le bureau d’accueil d’une école primaire. Nous sommes aux États-Unis. Les gens vont et viennent, la vie suit son cours, jusqu’à ce qu’un jeune homme arrive et, fébrilement, sorte une arme de son sac à dos. Le spectateur se fige dans son fauteuil, craignant une histoire glaçante à la Elephant ou We Need to Talk about Kevin.

S’instaure alors un dialogue surréaliste entre l’adolescent, clairement dépassé par ce qu’il est en train de faire, et la réceptionniste, cherchant calmement à le dissuader. L’histoire serait inspirée de faits réels, mais la fiction transcende le fait divers pour nous dire, non sans humour, le désarroi et la beauté de l’humanité. Le réalisateur Reed van Dyk filme l’échange avec une grande maîtrise, et nous entraîne au plus près de ce drôle de duo, dont le personnage principal n’est peut-être pas celui qu’on croit.

Anna

Ce film israëlien par Or Sinai dévoile son charme par petites touches, et l’on s’étonnerait presque qu’il laisse une si forte impression. Nous y suivons Anna, mère célibataire et ouvrière, qui se retrouve seule un beau jour d’été, car son fils est resté chez son père. Impossible de faire plus d’heures supplémentaires, elle
rentre donc chez elle où elle va devoir faire face à l’inconnu : un après-midi de solitude, et de liberté. Face au miroir, elle observe son corps, habituellement ignoré, et décide de partir à la reconquête de sa sexualité. Cela donne lieu à quelques scènes cocasses, dans lesquelles les hommes, tout surpris qu’ils sont par cette femme qui assume son désir, en perdent tous leurs moyens. Mais le regard est toujours tendre et jamais moqueur dans ce beau portrait d’une femme à la moitié de sa vie, qui doit réapprendre le plaisir.

Green Screen Gringo

La compétition Labo, qui semble regrouper tous les films inclassables du festival, recèle de nombreuses pépites et le gagnant de cette année en est une. C’est la troisième fois en trois ans que le jeune animateur néerlandais Douwe Dijkstra est en compétition à Clermont-Ferrand. Dans Green Screen Gringo, il emporte son écran vert au Brésil, va à la rencontre des habitants et détourne les clichés grâce à d’astucieux collages. Un homme nous regarde, assis dans son bureau, entouré de
papiers et d’ordinateurs. Puis le décor s’efface, laissant apparaître l’homme, sans-abri, dans la rue. Le film interroge notre regard de spectateur, joue avec nos attentes. Politique, poétique et ludique tout à la fois, il propose un portrait morcelé d’un Brésil protéiforme.

For Real Tho

Autre film en compétition dans la section Labo, For Real Tho est un drôle d’objet, bien difficile à décrire. Un groupe de jeunes gens est en train de tourner un film. Ou plutôt, en train d’échouer à tourner un film, et c’est cet échec qu’ils commentent face caméra, brisant le quatrième mur pour s’adresser directement au spectateur. Il y a ici la réalisatrice, qui s’amuse du temps que l’on est en train de perdre à la regarder. L’actrice, qui interagit directement avec les sous-titres. Désabusés, filmés tels de drôles d’animaux de nuit éclairés uniquement par les phares de leurs voitures et les
lumières lointaines de la ville, ils dansent, boivent leurs sodas XXL, et nous agacent autant qu’ils nous font rire. Le projet est original, l’esthétique léchée, et Baptist Pentticobra un nom à suivre !

Que vive l’empereur

Récompensée en 2015 pour son film Ton Coeur au Hasard, Aude Léa Rapin représentait cette année la France dans la compétition internationale avec Que Vive l’Empereur. Il faut quelques minutes pour se rendre compte que l’acteur principal est le même dans les deux films : Jonathan Couzinié, ce grand blond un peu paumé qui buvait des bières dans son van dans le moyen métrage précédent, incarne cette fois un jeune homme fasciné par Napoléon et bien décidé à participer à une reconstitution de la bataille de Waterloo. Sa copine le suit partout et soutient sa drôle de lubie, malgré les humiliations qu’il lui fait constamment subir. La situation, brillamment jouée et dialoguée, est comique, mais l’on rit de plus en plus jaune. Le film atteint son point culminant lors du monologue du soldat, un vrai moment de bravoure qui prouve l’étendue du talent de Jonathan Couzinié. On espère le revoir bientôt, et on attend avec impatience le premier long qu’Aude Léa Rapin prépare avec Céline Sciamma.

Mentions spéciales :

Clermont-Ferrand n’est pas le paradis des amateurs du cinéma d’animation, mais programme quelques très beaux films, dont deux cette année qui y achevaient leur longue tournée des festivals :

Estate, de Ronny Trocker, film d’animation expérimental, donne vie à la célèbre photo d’un immigré clandestin, surgissant de la mer sur une plage méditerranéenne où bronzent quelques touristes en goguette. Un film choc et on ne peut plus actuel.

Love, de Réka Bucsi, fait suite à son merveilleux Symphony n.42 (séléctionné l’année dernière) et confirme le grand talent de cette jeune animatrice allemande, à la ligne claire, et à l’univers aussi joyeusement coloré que délicieusement mélancolique.

Pour plus d’info sur les films, où les trouver, comment prendre contact avec les réals etc, envoyez-nous à message via notre page contact.

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