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Accompagner un film dans son exploitation : la distribution chez Manifest

vendredi 30 décembre 2022, par Abla Kandalaft

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Nous avons eu le plaisir de discuter avec Anais Colpin, coordinatrice et chargée des ventes chez Manifest Pictures de son parcours, de son rôle et des stratégies de distribution de courts métrages.

Hello Anais. Peux-tu nous parler un peu plus de ton rôle en tant que distributrice ? A quoi ressemble une journée type ?

La distribution de courts métrages arrive pour compléter le travail du réalisateur et du producteur. Chez Manifest, nous sommes 4 : 2 stagiaires pour nous aider, Andréa, chargée des festivals et moi, coordinatrice et chargée des ventes. Je suis là depuis le début de la création de Manifest, j’ai donc un peu fait tous les postes, je vais donc te parler de façon générale.

Le rôle du distributeur.ice est d’accompagner un film dans son exploitation. Une fois le film fini, nous travaillons sur une stratégie sur le film (premières, quels genres de festivals, quels territoires). Nous rencontrons le réal et prod pour valider cette stratégie puis nous lançons les choses. Nous nous occupons donc des inscriptions, du suivi des sélections, du matériel en cas de séléctions…

A côté, nous assurons aussi les ventes sur le film (chaines TV, plateforme VOD, location de copie).

Aussi, il faut ajouter à cela tout le travail administratif (compta, salaire, contrats), le visionnage des films (pour trouver de nouveaux films), la communication (mise à jour de notre site, création des line up, posts sur les réseaux), la mise en place de partenariats, et les déplacements.

Mon travail reprend un peu toutes ces taches, il n’y a donc pas une journée type. Mais en général sur un mois de travail, je vais avoir un ou deux déplacements (jury, présence sur les marchés, participation à des tables rondes et masterclass). Je vais aussi m’occuper de l’administratif 2 ou 3 jours. Je vais visionner beaucoup de films au bureau. Je vais aussi avoir des RDV pro pour rencontrer les programmateurs de festival, des producteurs, des réalisateurs. Je vais aussi aider les filles sur leurs tâches et valider les inscriptions à faire chaque mois.

En général, je vais aussi m’occuper de mes ventes un jour ou deux (relance, nouvelles propositions..).

Aussi, je donne à peu près tous les deux mois des formations dans des écoles, universités ou formations pro.

Pour te faire une journée, en général je vais faire mes urgences par mail le matin, déjeuner dehors pour rencontrer des gens et me mettre sur une tâche plus longue l’après-midi : compta, ventes, validations listes, mandats... et j’aime bien finir en visionnant un court ou deux.

Anais Colpin (Unifrance)

Quelques mots sur ton parcours. Par quel chemin es-tu arrivée à ce poste ?

J’ai fais des études de culture et communications à Lille, je suis ensuite partie en Erasmus aux Pays-Bas et j’ai fini par un master « Management de la culture » à Lille. J’avoue que je ne retiens pas grand-chose de mes études (professionnellement parlant car j’ai quand même appris beaucoup de théories) mais j’ai eu la chance d’effectuer un premier stage au Fresnoy, une école d’arts numériques dans le Nord. J’y ai assisté Natalia Trebik, chargée de diffusion au sein de l’école. Je m’occupais donc d’aider à la diffusion d’œuvres artistiques mais surtout de courts métrages.

J’ai ensuite réalisé un second stage au Festival de Cannes, au département courts métrages. J’ai aidé à l’organisation du Short Film Corner, marché des CM au Festival de Cannes. J’y aidais beaucoup pour les accréditations mais j’ai aussi pu organiser des évènements professionnels.

Ces deux stages dans le CM m’ont menée à rencontrer Olivier Chantriaux, producteur, lors d’une journée pro au Fresnoy. Il avait l’idée de monter une structure de diffusion qui mutualiserait les inscriptions festivals pour 3 sociétés (Les Fées Productions, Offshore, Filmo). On s’est rencontrés, j’ai trouvé l’idée bonne, et nous avons commence à travailler ensemble 😊

Quel est l’aspect de ton métier que tu apprécies le plus ?

Définitivement les rencontres. Tout le travail de bureau prend sens en festivals, lorsque nous voyons nos films sur grand écran, que nous rencontrons nos réalisateur.ices, producteur.ice.s.

La liberté d’être un à poste créé de toute pièce : les idées sont toujours les bienvenues et c’est à nous de les mettre en œuvre.

Et enfin, les ventes, c’est la partie la plus challengente dans le milieu, et c’est toujours gratifiant de réussir à vendre les films.

Que dirais-tu est le meilleur moyen de démarcher une société de distribution avec un court métrage ?

Aller en festivals et rencontrer les gens. Pour moi c’est le meilleur moyen.

Mais sinon, nous recevons beaucoup de CM directement par mail. Je conseillerai de valoriser son film afin que le distributeur.ice soit intrigué et le visionne rapidement. Préciser par exemple des acteurs importants, une belle sélection, et montrer au distributeur.ice que vous connaissez son catalogue et que vous vous reconnaissez dans ce dernier.

Est-ce mieux d’être passé par le circuit des festivals ou acceptes-tu de recevoir un court "à froid" ?

Comme le plus confortable pour nous est de travailler sur l’exploitation globale d’un film, le mieux est de commencer dès la fin du film. Il est parfois difficile d’arriver à la toute fin de post prod du film mais je dirai qu’il est mieux de nous contacter avant le début de l’exploitation.

Si ce n’est pas possible, nous proposer un film le plus frais possible est le mieux, même si de premières sélections sont prévues. Il nous arrive néanmoins d’avoir de gros coups de cœurs pour des films que nous récupérons en cours de route.

As-tu une liste de festivals privilégiés où te découvres de nouveaux courts ? Une plate-forme / un site internet que tu visites pour découvrir des courts ?

Comme je disais ci-dessous, plus un film est frais mieux c’est. Nous nous tournons donc sur des festivals qui présentent des films exclusifs : Clermont, Cannes, Sundance… Qui répondent aussi à nos goûts.

En plus, nous sommes partenaires de plusieurs festivals, où nous remettons des prix : Brest, Contis, et tout récemment Poitiers (nous prenons en charge la diffusion et distribution d’un des films en compétition). Nous sommes proches des programmations de ces festivals, et savons que nons allons visionner des choses qui vont nous plaire.

Sinon, en général les films sur plateforme sont trop anciens pour nous. Mais il est important de rester au courant de ce qui se fait : quels films sont les succès cette année, quel format marche bien, quelles thématiques… J’utilise néanmoins beaucoup des plateformes professionnelles comme la Short film gallery d’Unifrance ou la vidéothèque de Clermont.

Et si je veux me faire plaisir sur les succès passés, je visionne aussi sur Universcourt, la chaine Youtube d’Universciné.

Que dirais-tu sont les choses à éviter ? Dans l’envoi de courts, la qualité, la démarche...

Je dirai qu’il faut éviter les aller retours avec le distributeur.ice. Nous recevons beaucoup de mails et le mieux est d’être efficace : envoyer quelques infos très simples et mettre le lien du film dans le premier mail. Aussi, nous recevons beaucoup de films, donc nous laisser un peu de temps avant de relancer.

Et enfin, éviter d’envoyer les films quelques jours avant le festival où vous êtes ou pendant, cela risque de passer à la trappe.

Qu’est-ce qui retient ton attention dans un court ? Qu’apprécies-tu le plus ?

Nous fonctionnons au coup de cœur. Mais nous avons une préférence pour les films qui prennent des risques, dans leur forme ou dans les sujets qu’ils défendent. Etant une équipe de femmes, nous sommes aussi forcément portées par les questions féministes. Personnellement, je suis aussi très touchée par les films d’animation et je suis toujours heureuse d’en découvrir en festivals.

Un dernier conseil pour nos jeunes réalisateurs ?

N’ayez pas peur de vous déplacer et d’aller rencontrer les gens ! Cela ne peut être que bénéfique pour votre film ou le prochain. Et visionner des courts métrages ! Afin de savoir ce qui fonctionne, peut se vendre (des CM sont tjrs dispo sur Arte ou France TV ou encore tout le mois de décembre en Clair sur My Canal), mais aussi pour prendre de la distance avec son propre film.

« Des jeunes filles enterrent leur vie » de Maïté Sonnet

Un ou deux coups (courts !) de coeur de 2022 ?

Je sais que je dois être objective dans mes choix, je porte tous mes films avec beaucoup de fierté, je vais donc citer d’autres films que ceux de Manifest même si certains de mes coups de cœur sont, avec beaucoup de chance, chez nous 😊

Mon dernier coup de cœur est « Ice merchants » de João Gonzalez, un film d’animation très beau et très touchant, que j’ai découvert à Cannes et encore très apprécié à Poitiers. Et en fonction, je retiens « Des jeunes filles enterrent leur vie » de Maïté Sonnet-

Est-ce que ça vaut parfois le coup d’envoyer un film dont il reste un ou deux petits éléments à revoir (en le précisant) ?

Oui complétement, comme je le disais, nous prenons souvent des films à ce moment là et c’est le plus confortable pour s’organiser pour la suite. Je dirai que nous pouvons visionner une version dont le réal est fier, qu’il a envie de présenter et pour laquelle il accepte de recevoir nos retours, car nous serons dans les premières à visionner.

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